ARN non codants et réponse aux traitements
Le second thème de recherche de l’axe BioTICLA porte sur le rôle des ARN non-codants (ARNnc), plus particulièrement microARNs (miRNAs) et longs ARN non-codants (lncRNAs), dans la réponse aux traitements. Les dernières analyses du génome ont révélé qu’au moins 75 % de notre génome était transcrit. Les gènes codant pour des protéines représentant environ 1% du génome, la majorité des transcrits sont non-codants (ARNnc) et sont constitués pour une grande majorité par des ARNs fonctionnels, de petite (<200 nt) ou de grande taille (> 200 nt), impliqués dans des réseaux de régulations moléculaires complexes pour l’instant très partiellement caractérisés. Parmi les petits ARNnc, les miRNAs ont été plus largement étudiés et sont, entre autres, impliqués dans la stabilité des ARNs messagers ainsi que dans la régulation de la traduction des gènes. Bien que les travaux portant sur les longs ARNnc (lncRNAs) soient plus récents, ils semblent également jouer un rôle important comme régulateurs de l’expression génique (transcription, traduction et remodelage chromatinien). Les projets que nous développons présentent des aspects fondamentaux et appliqués/translationnels concernant l’implication des ARNnc dans la réponse des cancers de l’ovaire aux traitements conventionnels ou innovants afin de définir des facteurs prédictifs pertinents de la réponse au traitement et d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.
Une partie du travail réalisé dans le cadre de cette thématique concerne les miRNAs. Ces ARN endogènes non-codants de petite taille (~20 nt) régulent négativement l’expression génique, généralement au niveau post-transcriptionnel. Des centaines de gènes peuvent être contrôlés par le même miRNA et un ARNm donné peut être ciblé par plusieurs miRNAs. Les miRNAs agissent de manière coordonnée sur des réseaux de cibles, qui ne sont pour l’instant que très partiellement caractérisés. Il est maintenant bien établi que les miRNAs, qui fonctionnent comme des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs en fonction des cibles qu’ils régulent, jouent un rôle majeur dans le développement et la progression des cancers. Les anomalies de l’expression des miRNAs peuvent être liées aux altérations génétiques ou épigénétiques et à l’altération des voies de signalisation au sein des tumeurs. La découverte de leur présence dans les fluides biologiques accroît encore leur intérêt. L’étude des miRNAs cellulaires et circulants représente ainsi un champ d’investigation prometteur en oncologie, et ils pourraient rapidement constituer de nouveaux outils diagnostiques, pronostiques, voire thérapeutiques.
Les projets en cours consistent (i) à préciser l’importance des miRNAs dans la résistance aux traitements par l’étude de leur profil d’expression (à l’état basal et en réponse au traitement) associée à des analyses fonctionnelles, (ii) à identifier les cibles de miRNAs « tueurs » ou « chimiosensibilisateurs » pour améliorer la connaissance des voies/réseaux de signalisation impliqués dans la survie des cellules tumorales ovariennes chimiorésistantes et aboutir à la proposition de nouvelles associations pharmacologiques et (iii) à étudier l’intérêt des miRNAs circulants en tant que facteurs prédictifs.
L’autre programme de recherche développé dans le cadre de cette thématique consiste à identifier des longs ARN non-codants (lncRNAs) impliqués dans la chimiorésistance des cancers de l’ovaire. Les lncRNAs, dont la taille est comprise entre 200 et plus de 100 000 nt, possèdent différents modes d’action, qui ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusifs, un même lncRNA pouvant être impliqué dans plusieurs fonctions différentes. Par exemple, certains lncRNAs participent au contrôle de l’épissage des ARNm. Des lncRNAs possèdent des sites de liaison à des miRNAs, permettant leur séquestration et prévenant leur action sur leurs ARNm cibles. Un autre mode d’action des lncRNAs implique leurs structures secondaires qui constituent des domaines d’interactions avec différents complexes protéiques, permettant leur mise en relation spatiale. Cette fonction de « scaffolding » joue notamment un rôle majeur dans la mise en place de nombreuses modifications post-traductionnelles sur la chromatine, jouant ainsi un rôle capital dans la régulation de l’expression des gènes au niveau épigénétique. Ils sont ainsi impliqués dans un grand nombre de phénomènes biologiques comme le développement, la différenciation ou bien dans la mise en place de l’empreinte parentale. En outre, les lncRNAs peuvent fonctionner comme des oncogènes ou des suppresseurs de tumeurs et des altérations de leur expression sont liées au développement et à la progression des cancers. Les projets actuellement développés consistent à étudier l’implication de lncRNAs dans la chimiorésistance de cellules tumorales ovariennes et à mettre en évidence leurs mécanismes d’action via l’identification des gènes dont ils régulent l’expression. Outre son intérêt fondamental, la réalisation de ce projet pourrait permettre l’amélioration de la connaissance des mécanismes en jeu dans la résistance aux traitements et définir ainsi de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles et/ou de nouveaux marqueurs prédictifs et/ou de suivi thérapeutique.